En entrant à Beauvau, Bruno Retailleau aura sans doute une pensée pour un autre Vendéen passé à l’Intérieur en la personne de Georges Clemenceau. « Le Tigre », qui cumulait alors la fonction avec celle de président du Conseil, s’était illustré en brisant plusieurs grèves et en réprimant durement les mouvements sociaux. 118 ans après, au vu de la fragilité du gouvernement et d’une Assemblée nationale fracturée, celui qui a grandi dans la petite commune de Saint-Malô-du-Bois (Vendée), en plein bocage, n’aura sans doute pas les mêmes marges de manœuvre que son illustre aîné.
Durant son parcours, ce n’est pourtant pas la détermination, et un certain courage politique, qui ont manqué à ce grand sensible, époux d’une femme médecin dans le milieu scolaire et père de deux filles et d’un garçon. « Ce n’est pas un tueur mais il est très à cheval sur ses positions », souligne ce proche.
La main de Larcher
Grand ennemi de la gauche pour ses positions tranchées sur l’immigration – il était favorable aux mesures les plus dures lors du projet de loi immigration – ou le mariage homosexuel (il y est opposé), ce fervent catholique de presque 64 ans devra faire preuve d’une grande habileté. Il suffit de voir les difficultés de sa collègue LR Laurence Garnier, sénatrice de Loire-Atlantique, à intégrer le gouvernement pour ses positions conservatrices sur la famille pour s’en convaincre.
Son expérience au Sénat, où il préside le groupe des Républicains, lui a, toutefois, déjà permis d’entretenir cette culture du compromis. Sans parler de sa relation solide avec le président Gérard Larcher, qui l’a aidé à ouvrir les portes de ce ministère que convoitait aussi Laurent Wauquiez, peut-être d’ailleurs avec quelques arrière-pensées. Libéré d’un Retailleau, Larcher a désormais les coudées franches en son palais (du Luxembourg).
C’est en Vendée, où il continue de se ressourcer toutes les semaines et où il possède un pied-à-terre à l’Île d’Yeu, qu’il a fait toutes ses armes en y occupant, dès 1988, la fonction de conseiller général. Ce département, aussi, où il rencontra, à l’âge de 15 ans, celui qui fut son mentor : Philippe de Villiers.
Bruno Retailleau a fait partie des pionniers à l’origine du Puy du Fou, où il officiait tout jeune en tant que cavalier de la célèbre cinéscénie. Membre du Mouvement pour la France (MPF), il avait fini par claquer la porte du parti créé par Villiers et prendre son indépendance vis-à-vis du maître, qui a torpillé son entrée dans le gouvernement de François Fillon, en 2009. Fâchés à mort, les deux hommes se sont néanmoins, depuis, recroisés et « les rancœurs se sont apaisées », souligne une source les connaissant bien tous les deux.
Élu de terrain
L’une de ses qualités premières ? Le travail. « Un petit disou mais un grand fezou. Il parle peu mais il agit. C’est un homme d’action », souligne Bertrand Plouvier, conseiller municipal de La Baule (Loire-Atlantique) et Vendéen d’origine. « Il connaît ses dossiers et il ne dort pas beaucoup », confirme Guillaume Jean, premier vice-président au conseil départemental de Vendée et maire de Mallièvre, petite commune proche de Saint-Malô-du-Bois, louant aussi son ancrage local. « Il a une carrière d’élu de terrain. Il est disponible, à l’écoute et n’est pas éloigné de la réalité de ce que vivent les gens. » Mais ça, c’était avant que Bruno Retailleau ne soit nommé ministre de l’Intérieur dans un climat explosif.
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